Event Cinéma en plein air (Sujet Commun)

L’annonce avait fait le tour de la ville rapidement et Billie avait sauté de joie à cette mise en place des chefs de syndicats. Un film. Ca faisait tellement longtemps ! Bien plus longtemps que les Cinq années d’ailleurs. Elle ne se souvenait pas la dernière fois qu’elle avait été au cinéma, ça devait être sans doute avec Chris, le quaterback qui avait fait chavirer son coeur à l’époque. Le seul d’ailleurs. Et il l’avait prise pour une poire. Mais, ce n’était pas le moment de se rappeler de douloureux souvenirs, elle comptait bien profiter de cette occasion pour retrouver des sensations oubliées.
Dirty Dancing ? C’était quoi ce film ? Elle n’en n’avait aucune idée ! Elle espérait juste que ce ne soit pas un vieux film en noir et blanc et muet surtout. Le nom lui disait vaguement quelque chose mais rien de plus. Elle ne l’avait jamais vu.
Elle allait quand même aller voir de quoi il s’agissait et si il ne lui convenait pas, elle n’aurait qu’à rentrer dormir.

Les habitants étaient en pleine effervescence, tous semblaient ravis et souriants de l’évènement. Et elle, d’habitude si rayonnante, avait faibli en luminosité. Elle se sentait honteuse de ne pas connaître ce film et tout le monde semblait en parler comme un chef d’oeuvre. Elle devait sans doute être trop jeune pour l’avoir vu. Mais Billie était mal à l’aise et se sentait stupide. Sentiment qui avait longtemps disparu depuis l’invasion et pourtant qui avait été si présent dans sa vie avant tout ça. Elle s’était toujours sentie en marge, ne pouvant regarder la télé et certaines émissions comme les adolescentes de son âge. Sa mère contrôlait ses moindres gestes, et encore aujourd’hui, la voulait qui en subissait encore les conséquences.

Elle vit des têtes connues. Eden, Sophia, Peter , et d’autres mais préféra rester seule sentant une tristesse mélancolique l’envahir et une pointe de regret. Elle déposa sur le sol une couverture et s’y installa, ramenant contre son torse ses genoux. Elle écouta sans faire trop attention le discours de la Mairesse et attendit patiemment que le film commence. Elle se sentait triste et n’arrivait pas à chasser l’horrible souvenir de cette mère dominante de son esprit. Elle avait les yeux rivés sur l’écran mais était ailleurs. Elle ne remarqua même pas qu’il y avait des ratés mais lorsque tout fut rétabli, le blanc illumina ses pupille et capta son regard qui était à présent rivé sur l’écran.

D’un coup d’œil rapide, j’avais fait l’tour des personnes présente pour la diffusion du film. A quelques exception, tous l’monde s’était ramené pour une bonne séance de ciné comme à l’époque. J’savais même plus depuis combien d’temps j’m’étais pas fait un ciné. D’puis bien plus longtemps que l’début d’cette merde, j’avais toujours trouvé ça con d’payer la peau des fesses un film qu’tu peux avoir gratuit chez toi. Enfin qu’tu pouvais, là maintenant j’me f’sais plus prier pour m’ramener l’temps d’un soir. Ils avaient géré là-haut avec cette idée et la mise en place de tout ça. Will aussi était super motivé, entre lui et Peter, j’crois qu’j’avais presque regretté l’espace d’un instant qu’on parvienne à diffuser un film. Mais j’le comprenais, il avait grandi dans la peur, il avait pas eut la chance d’aller au ciné tous les week-end avec sa mère. Il l’aura jamais. C’tait la vie et on y change rien. On tardait pas à voir arriver Peter, Aly et Even. Un large sourire parcourait mon visage, c’était bien les seules personnes qu’j’étais content d’voir. Jusqu’à c’que Peter vienne me prendre dans ses bras. J’l’adorais vraiment mais j’étais pas du genre tactile. M’enfin j’avais l’habitude avec lui, l’étreignant de mon bras de libre, j’me libérais assez vite, adressant un sourire à Aly et Even. On restait discret tous les deux, pourtant tous l’monde savait pour nous mais on était pas du genre à s’afficher. « Ca va et vous ? » On s’était installé ensuite côté à côté, tandis que la mairesse débarquait. On avait écouté son annonce, remerciant qui devait être remercié avant d’annoncer la diffusion de Dirty Dancing. Le film d’mon enfance, sorti l’année d’ma naissance. Autant dire que j’l’avais vu et revu. En plus sous mes airs de p’tit dur j’étais un grand fan de Patrick Swayze. J’connaissais même la choré par cœur mais ça, jamais personne n’le saura. Will ralait que ce soit un vieux film, j’levais les yeux au ciel posant une main sur son épaule. « Ca mon gars, c’est l’film de toute une génération. Un culte même. Et puis tu devrais apprendre, ça t’servira avec les filles. » J’le voyais lever les yeux au ciel ce sale gosse, pas mon fils pour rien. « Allez file » J’l’autorisais à rejoindre ses potes, il avait l’âge maintenant d’plus être collé à son père. J’soupirais bruyamment m’enfonçant sur ma chaise.

Certains auraient sans doute pousser de hauts cris d’horreur mais c’était là une vérité : tu n’avais jamais vu un film, tu n’étais jamais allé au cinéma. Est-ce que ça te manquais ? Absolument pas. Est-ce que quelque chose qu’on ne connaît pas peut vraiment manquer à nos vies ? Tout le monde semblait en joie, mais ça ne te faisait ni chaud ni froid. Bien sûr tu savais ce qu’était une télé, tu avais déjà vu des émissions ou autre, mais jamais un film en entier. Il faut dire que tu avais déjà l’esprit empli d’images magnifiques glanées au gré des voyages. La seule chose qui te faisait sourire dans cette affaire, c’était le sourire lumineux de Peter et son excitation manifeste. C’était d’ailleurs lui qui t’avais convaincu d’échanger ta nuit de travail avec un autre patrouilleur. Tu devais désormais quelque chose à ce mec, mais tant pis. Après tout, tu pourrais toujours feindre de ne pas te souvenir si ce qu’il te demandait en dédommagement n’était pas à ton goût.

Tu laissais Peter te tirer par la main tandis que tu roulais les yeux. Il t’avait à peine laisser le temps de vraiment te réveiller que tu étais déjà dehors à te faire tirer en direction du brouhaha. Tu souris en voyant Nael et son fils et allait saluer le père et le jeune garçon, adressant un sourire plus franc et assumé au plus jeune. Tu haussais les épaules à la question de Nael et pointait du pouce Peter « Il s’est transformé en pile électrique donneuse de migraine mais ça va. ». L’ironie se faisait entendre dans ta voix tandis que tu roulais des yeux avec un léger sourire irrépressible. Sa joie te faisait pire. Tu t’assis rapidement en compagnie des autres et fronçais les sourcils en entendant le nom du film. Ce dernier devait sûrement être connu au vu des réactions autour de toi. Tu adressais une question aux trois autres sans t’adresser à personne en particulier tandis que quelques problèmes techniques étaient traités « Ça raconte quoi ? ».

Les personnes qui trouvent la force de sourire dans toutes les circonstances donnent l’illusion que tout va toujours bien. Ce sont des aimants à bonheur, des personnes avec qui il est bon de passer du temps pour se revigorer d’une belle énergie rayonnante. Et pourtant, même celles-ci avaient besoin de solitude, avaient leur dose de mélancolie et de tristesse, voulaient un peu de répit. Illuminer chaque jour pouvait être fatiguant, et qu’importe, ça ne se voyait pas et rapidement, Billie qui voulait être seule se vit envahir de plusieurs personnes.
C’était donc ça le prix à payer ? Billie laissa d’abord les personnes s’installer à côté d’elle. Elle reconnut aisément Eden et Sophia, d’ailleurs elle fût étonnée qu’ils se connaissaient et un autre type, surnommé le fermier, chef de syndicat. Elle se sentait la bouse qui attirait les mouches.
Elle se retint de gonfler ses joues et de soupirer.
Bille hausse les épaules. Qu’ils l’accompagnent s’ils veulent. Elle n’avait pas envie de parler.
Pas aujourd’hui.
C’est con qu’une activité aussi simple ait autant d’impact sur cette blonde. Ce genre de petites choses lui prouvait encore une fois qu’elle n’avait pas eu une enfance comme les autres, qu’elle n’avait pas eu le loisir de partager un pot de popcorn avec ses parents, qu’elle n’avait pas eu le plaisir de grimper dans un arbre pour qu’on viennent ensuite la chercher. Elle n’avait pas connu la joie de recevoir un bonbon à la caisse du supermarché car ça donnait des caries, elle n’avait jamais connu la fierté de voir ses parents l’applaudir à ses spectacles, c’était toujours des critiques, toujours afin de devenir parfaite.
Alors partager un moment comme celui-là, ce genre de moment rassembleur, elle avait envie de le passer seule.
Mais c’était son fardeau d’attirer le monde et de toujours leur rendre ce sourire et cette joie de vivre.
Elle les laisse s’installer mais après seulement quelques longues minutes de film, elle se sentait oppressée. Elle étouffait de leur présence.
Et puis Eden… Là, à côté d’elle, si proche. Trop proche.
Elle doit rester forte, donner l’illusion.
Mais.
Cette fois, elle a pas envie.
Elle aussi à droit à ses moments de faiblesse putain de merde.
Elle aussi à le droit d’être seule, de vouloir respirer.
De ne pas toujours être en contact permanent avec les autres.
Elle avait le droit d’éteindre sa lumière de temps en temps pour mieux se recharger.
Ces trois personnes autour d’elles n’avaient rien fait , et pourtant Dieu sait combien elle appréciait leur compagnie, mais là, ils ouvraient une blessure. Ils s'engouffrent bien trop vite et bien trop violemment dans un manque qu’elle avait attendu toute sa vie.
La sensation d’avoir une vie normale.
La boule au ventre, les sourcils froncés, elle sent qu’elle est en colère mais Billie n’en comprend pas vraiment les raisons. C’est compliqué de trouver la source de ces maux.
Alors, elle se lève sans leur jeter un seul regard. Elle se lève lentement, comme si rien ne la dérangeait. Donner l’illusion. Encore.
Elle zigzague entre la foule, les groupes la gorge nouée. Elle s’éloigne. Pas trop car, elle aimerait quand même le voir ce film.
Alors sur le côté elle remarque un tronc couché, loin des regards, à quelques mètres de tous ces groupes qui semblent apprécier le moment. Ensemble.
Elle s’assied et se pince l’arrête du nez. Inspire profondément pour tenter de calmer les démons qui se battaient dans le creux de son ventre.
Elle n’aimait pas ça. Elle tapota ses joues du paume de la main et secoua son corps.
“Allais ça va aller.” se murmura-t-elle à elle même.

Depuis la fenêtre de ta chambre d'hôtel, tu avais juste regardé dehors. Ce qu'il se passait du côté du cinéma. Tu avais vu le discours, sans l'entendre, et aussi admiré le début de Dirty Dancing sur cette immense toile. Tu avais envie d'y aller mais... La foule, ça t'effrayait. Simplement, tu regrettais de ne rien entendre.

Au bout d'un moment, tu décidas juste de descendre de ta tour, pour juste écouter. Engranger des sons que tu connaissais. Que tu avais dans ta mémoire, que tu savais imiter. Mais qui n'égalaient jamais le film en lui-même... Tu fredonnais les chansons, sur la route. Et une fois arrivé à la limite de la foule, tu ne te mélangeas pas.

Tu cherchas du regard des visages connus. Billie, à qui tu avais promis que tu viendrais plus tard. Ou Ivy, peut-être ? Tu ne savais pas. Tu n'osais pas t'imposer. Tu cherchas juste un spot, pour voir l'écran, sur le côté, loin des personnes agitées qui riaient trop fort, qui commentaient à voix haute. Et tu te concentras.

C'était étrange de se concentrer sur un film, après si longtemps...