undskyld (basamed&archer)

Le matin, tu t’y prenais assez tôt, pour préparer le café. Avec les doses que vous aviez, c’était souvent du jus de chaussette, sans compter qu’il fallait avoir récupéré l’eau la veille, pour en avoir assez et ne pas à y aller en pleine nuit le matin. A peine réveillée, tu étais partie sur la pointe des pieds, histoire de ne pas faire sauter Gabriel, direction la cuisine. Frottant tes yeux ensommeillés, tu avais marché comme à ton habitude vers cette pièce où tu passais le plus clair de ton temps. Du matin pour le café, jusqu’à l’après midi, après avoir tout nettoyé et avancé ce qui pouvait être avancé pour le lendemain.

Tu enfilas ce tablier qui avait été déniché on ne savait où, un mignon tablier que tu aimais bien mettre tous les jours pour éviter de te salir – bien que finalement, ça ne protège pas grand-chose… Il t’arrivait souvent, par exemple quand tu dépeçais un animal, que tu aies du sang sur toi, d’une façon ou d’une autre. Tu réservais tes tickets de douche pour ces jours là, sachant que tu ne pourrais pas supporter d’avoir ce liquide sur toi jusqu’aux prochaines distributions.

Tu te répétais à voix haute les mots anglais que Raksha t’avait répétés, tant que tu étais toute seule. C’était difficile d’imiter l’accent, de façon à être compréhensible. Quand on te demandait de répéter, c’était souvent parce que le danois qui ressortait de ta prononciation était bien prononcé, bien trop pour des oreilles pas forcément habituées à ce pays. Après tous, le Danemark était plutôt discret sur le plan international… Mis à part quelques aficionados, et les rares nordiques que tu croisais dans le coin, tous pourraient tout aussi bien entendre chinois, que tu serais aussi compréhensible.

Tu répétais donc ces mots, essayant de les associer à des chansons dans ta tête. C’était la meilleure façon pour toi de les retenir. Bien que le problème principal soit surtout… D’oser parler. Tu avais peur de passer pour une idiote, on te l’avait bien trop dit dans ta vie. Et tu pensais à tout ça, tandis que tu portais une cagette remplie de ces couteaux réservés au service du midi, quand tu sentis une résistance face à toi.

Tu sursautas, lâchant ce que tu avais dans les mains sans le vouloir. Tu pris même un peu peur sur le coup en voyant que tu avais face à toi une montagne, un homme sacrément grand que tu n’avais pas le souvenir d’avoir déjà croisé en ville – et tu étais du genre à retenir assez facilement les visages que tu croisais. Sous la surprise, tu sortis ce que tu connaissais de mieux, un « désolée » en danois : « Undskyld ! ». Que tu répétais plusieurs fois, d’un air absolument misérable, priant pour ne pas être tombée sur l’une de ces personnes colériques qui allaient parler vite, voire même te hurler dessus car tu étais d’une maladresse absolument épouvantable. Tu pris quand même le temps de répéter en anglais : « Désolée ! »

Tu baissas ensuite les yeux, regardant les pieds de l’homme, avec tous les couteaux qui étaient tombés sur lui. « Oh ikke ! » Tu voulus commencer à ramasser, mais tu demandas avant tout : « Tu blessé ? » d’un ton absolument misérable et confus. Tu en vins presque à prier pour que Raksha vienne, à cet instant, pour te sauver de ce moment terrible.