Venom on my tongue - ft Raksha

Je sentais que les jours étaient compliqués pour Klavdiya. Mais je voulais surtout lui montrer qu'elle ne risquait rien à sympathiser avec les gens de cette ville, ils avaient tous leur caractère & j'avais du affronter le rempart d'intolérance du Père Jaxson, mais je voulais surtout qu'elle comprenne qu'on ne risquait plus rien ici.
J'en avais l'intime conviction & pourtant à chaque regards, j'avais l'impression de lui mentir. De me jouer d'elle, alors qu'il n'en était rien. La population de Destiny était réellement adorable, sauf si on enlève quelques personnes mal lunés... Même l'homme qui nous avait trouvé se trouve être adorable, dur & sévère, mais avec une âme chanceuse & pleine d'amour.
Ils ne sont pas tous mauvais. Je voulais qu'elle le comprenne. Mais rien n'y fait... Butée dans sa paranoïa, je ne peux même pas lui en vouloir. Cet homme a gâché notre vie... Ce fléau a détruit nos chances. Mais nous respirons... Nous devons continuer à vivre. Pour les dieux, oui, & surtout pour nous.
La folie n'est qu'à un pas de la porte.
Je l'entends se relever la nuit, respirer fort, gémir à chaque fois qu'elle fait un cauchemar. Je posais mes mains sur elle avant, maintenant je n'ose plus vraiment la toucher. Je reste les yeux dans le vague jusqu'à l'entendre reprendre sa respiration normale, pouvant me rendormir un peu plus sereine.
Elle ignore combien je prête attention à elle.

Ce jour, j'ai préparé les repas du midi & fait l'inventaire avec Carrie. Nous avons rigolé, le peu qu'elle peut m'offrir certes, & j'ai pu profiter de la journée pour retrouver Cameron pour échanger un peu avant de la laisser retourner travailler & retrouver Nael pour le cours de self défense que je prends en cachette, pour elle. Mon épée ne sera pas toujours là pour nous sauver la mise... & j'espère n'avoir jamais plus besoin de l'utiliser.
J'étais allée prier à l'église dans mon petit coin dédié sous le regard accusateur de ce Père que je commençais à rudement apprécié. Il me faisait penser à ce vieux papy en face de chez nous qui râlait chaque fois qu'on garait la voiture de travers mais qui prenait soin de ne pas se coller à nous, jaugeant la distance pour qu'on puisse sortir.
Râler mais aimant.
Puis je suis retournée dans notre chambre. J'ai monté les marches, pas vraiment pressée de la retrouver... alors que je donnerai ma vie pour cette femme qui partage ma passion & mon lit. Elle m'effraie.

J'ouvre la porte doucement avant de la refermer, troquant mon sari pour un jogging moulant usé avec un trou au genou & un t-shirt trop grand pour moi, je m'assoie sur le lit quand elle entre mettant des soquettes. « Bonsoir, chérie. » Je porte mon regard sur elle, ses yeux d'ordinaires si clairs & si brillant semblent ronger par le mal & noir d'amertume.
Je me sens obligée de détourner le regard enlevant mes atours & bijoux, sans effacer mon troisième œil à la craie.
Je l'entends s'asseoir, & je n'ose toujours pas l'affronter. Que penserait-elle de moi encore ? Que ne me dit-elle pas ?
Sa voix résonne dans la chambre & je fronce les sourcils en me retournant vivement vers elle, sautillant sur le lit pour lui faire face. Je plisse les yeux en me touchant les lobs d'oreille en signe de pardon mais mon regard reste inquiet & légèrement vexé. « Oui, c'était une bonne journée. » que je réponds tranchante. « A t'en déplaise, j'ai effectivement travaillé & échangé avec quelques amis. »

Je n'ai plus le droit de fuir la conversation & elle a lancé elle-même la bombe. Ce non-dit qui planait entre nous a besoin de trouvé une sortie de secours... La voilà.
La gentillesse & la bienveillance sont mes qualités premières mais j'avais au fond cette rongeuse impulsivité qui me faisait parfois perdre la notion des mots. « C'est quoi ton problème au juste ? » Je hausse les sourcils en tendant mes mains vers elle, l'incitant à s'exprimer. « Que j'ai des amis, que je m'habitue à cette ville & pas toi ? On a tout pour être heureuses ici ! » J'appuie là où il ne faut pas appuyer. Le ton monte légèrement, impatient & nerveux. Je pointe le doigt devant moi pour me calmer & calmer la réplique de Klav, fermant les yeux pour prendre une inspiration. « Klav, je te prierai de faire taire cette part qui ne veut que te faire sombrer, n'oublie pas que les dieux sont de notre côté & pas contre toi. »

Je tape du poing sur le lit avant de me retourner pour ranger correctement mes bijoux. « Tu es vraiment... » Je grogne avant de souffler. « Rien, oublie. »  
La préserver des maux & des mots est ma priorité.

Je n'aimais pas l'entendre lever la voix.
En réalité, de toutes ces années que tu nous avons passé ensemble, elle était la première à calmer le feu que j'étais. Sa voix calme & rassurante avait toujours su éteindre l'incendie avant qu'il n'embrase notre relation.
Mais depuis la fin du monde, & notamment ce jour où..., elle est l'incendie. Je n'ose pas la regarder droit dans les yeux, j'y lirai la haine & le démon. Je ne sais pas pourquoi elle se détourne de la religion, moins encore pourquoi c'est à moi qu'elle en veut.
Ne lui ai-je pas sauvé la vie & sa vertu ce soir là ? Oublie-t-elle que le sang qui coule est sur mes mains ? J'ai abandonné les dieux pour elle, & nous voilà... Seules dans cette chambre, à nous cracher à la figure des insanités.
Ses mots dépassent sa pensée, mais sa blessure semble si profonde... Je m'en veux de devoir lui rouvrir. Mais elle n'est pas seule à souffrir, elle s'y croit seule. C'est une nuance non-négligeable.
Je sens que je dois prendre énormément sur moi, plus que de coutume & je sens mon cœur lâché chaque fois qu'elle hausse un ton ou qu'elle se veut sarcastique. Je préfère lui tourner le dos. Ses mots blessants sur mes dieux me piquent à vif & je sens le sang pulser contre mes tempes.

Je l'entends se lever & j'en fais tomber ma boucle de nez sur le sol en me retournant vivement. Elle tonne, ma belle, elle gronde alors que je fronce les sourcils.
Elle est au moins consciente qu'elle agit mal. Mais la colère consume notre espace vital, je vois plus les couleurs seulement son regard glacé qui essaie de se confronter à mon brasier. Le feu & la glace dans un match sanglant.
Je me lève aussi, plus lentement, serrant les poings contre mes hanches. « Oui, c'est ça. » Que je siffle entre les dents. « Trop conne. » Elle est imbuvable, asociale & ... méchante. Le mot pathétique me traverse l'esprit mais je ressens sa douleur. Je sais combien elle souffre... Je sais combien ce monde ne lui convient pas.
Mais ma propre colère m'aveugle & je ne ressens pas de pitié... Seulement de l'abandon. Mes mots dépassent ma pensée. « Alors va-t-en. »
Elle me tourne le dos, je fixe sa nuque un instant avant de me tourner vers la porte & de l'ouvrir violemment. Le chambranle tremble alors que la porte cogne contre le mur, je montre la sortie avec la main. « Va trouver quelqu'un qui découpera des têtes pour toi. » Ce souvenir me glace le sang & la sensation du sang qui glisse lentement vers mes pieds me donne envie de vomir. Mais je ne souris pas, je ne me moque pas, je ne réagis même plus... Je suis profondément blessée & lasse de son comportement. « Tu es une enfant, Klavdiya. » je cligne doucement des yeux, trouvant que le temps se suspend doucement dans l'espace. « Tu n'es pas seule à souffrir... & je suis navrée que mes sourires te rendent triste. » Je penche la tête sur le côté en me décalant de devant la porte pour l'inviter à passer. « Mais je n'arrêterai pas de sourire, car je saisis la chance de vivre dans le futur, quand toi tu te cantonnes au passé. » Je retiens difficilement une larme, le menton haut & l'air fier. « Si mon futur doit être sans toi, pars & laisse moi mourir en paix. »

Car j'avais juré fidélité, amour & ce, jusqu'à ma mort. Si me voir heureuse est un trop grand sacrifice, alors je déchirerai mes veines pour vivre dans les limbes avant de revenir d'entre les morts, assigné à vouloir me nourrir de chair & m'oublier des dieux. « Allez, pars. »
Que je puisse me noyer, ou sauter de la fenêtre. Que je puisse te rendre cette liberté que je semble te priver. Que tu te morfondes de notre malheur au lieu de t'octroyer la chance d'être un peu heureuse. Pars & abandonne ce qui semblait être ton seul pilier. « Si tu n'as plus rien à faire ici, notre couple n'a plus lieu d'être. » Mon regard posé sur son ventre affronte son regard de glace. « Casse-toi. »

Mon ventre se contracte & la nausée est au bord des lèvres, mais la porte est toujours ouverte & je suis toujours déterminée à la voir passer le pas.
Je me laisserai le temps de bien faire les choses & de ne pas revenir hanté les pensées de cette femme qui semble oublier que notre premier bonheur avait été de s'aimer. Je me sens délaissée mais la colère continue de m'aveugler. Je sens la culpabilité me ronger le ventre mais c'est à elle de ployer genou... Par tous les dieux, qu'elle réagisse.
La dépression la tuera avant même qu'elle ne me tue de ses propres mains. Je sens notre amour s'effriter & le désir s'évanouir.

& pourtant, Klavdiya, je t'aimerai jusqu'à la fin de mes jours & dans l'au-delà aussi.
Tu es mon âme sœur... mais ce que je vois dans ton âme n'est pas ma femme. « Tu es un monstre, Rajni. »

Pourtant il n'aurait été compliqué qu'elle soit la source de tous mes sourires. La source même de mon bonheur & de mon amour... Il aurait suffi de peu, juste qu'elle-même sourit un peu, se détende & accepte cette nouvelle chance des dieux. Car ce soir-là, je n'ai pas agi seule, ils étaient près de nous pour lui éviter le pire. & je ne peux tolérer qu'elle renie ainsi leur existence en portant le nom d'une divinité de la nuit.
Ce côté obscur l'absorbe & la détruit à mesure que notre combat s'intensifie. Pourtant, il est bel & bien fini. Nous sommes en vie, en sécurité... Tout pour nous concentrer l'une sur l'autre. Mais la colère prend le dessus sur l'âme de ma femme & j'avoue m'évader près des autres pour ne pas subir son courroux. Nous nous éloignons & devenons étrangères l'un à l'autre. Elle me déteste sans doute autant que je me hais moi-même... Mais je n'ai pas le choix que de la confronter. Je ne peux pas toujours être celle qui comprend quand je suis moi-même incomprise. Elle doit cesser d'ouvrir son cœur à cette haine & me l'offrir... Je l'aime.
Je l'aime à en mourir. & je suis prête à tout pour la voir sourire. Mais c'est bien la porte que je lui montre, c'est bien cette symbolique de la voir quitter ma vie que je lui propose.
Car nous ne sommes plus nous même, cette colère est le ciment de notre couple maintenant... & ce n'était qu'une question de temps avant qu'il explose tous nos murs, toutes nos bases... Tout notre amour en mille & un morceaux.
Elle me demande de ne pas mentir, & je détourne le regard sans répondre. Je ferme doucement les yeux alors qu'elle attrape la poignée & referme derrière elle la porte.
Je me vois doucement glisser dans les ténèbres.

Les larmes commencent à rouler silencieusement sur mes joues avant que les sanglots s'emparent de ma gorge. Le dos contre la porte, je me laisse glisser le long en fermant les yeux en me cachant le visage dans les mains.
J'ai perdu ma femme parce que je n'ai pas su me faire pardonner des dieux. J'ai perdu ma femme parce que je ne l'ai pas suffisamment protéger. J'ai perdu ma femme parce que j'ai eu peur d'elle & que je me suis éloignée.
J'ai perdu ma femme...
Tout est incontrôlable, les pleurs, la douleur... La poitrine se lève difficilement cherchant de l'air là où il n'y en a plus. Klavdiya m'a abandonnée.
Le cœur est réduit en miette alors que les pensées s'entrechoquent dans mon crâne. Je me rejoue la scène mille fois en essayant d'imaginer combien ça aurait pu être différent. Mais la franchise n'a pas de limite... Elle a changé depuis que nous sommes ici. Le taire ces quelques temps était une erreur.
Aujourd'hui nous avons implosé. & nous sommes seules.
J'ai hésité en me relevant doucement à ouvrir la porte pour la chercher. Posant doucement ma main sur la poignée, j'ai hésité.
Mon âme fatigue, ma vue se brouille & je ne sais même pas ce que je vais lui dire. Alors je lâche la poignée avant de m'en retourner dans le lit. Je me place de son côté, humant l'odeur qu'elle avait laissé sur son oreiller.

Je fixe le mur en serrant fort son oreiller contre moi, mes pensées se perdent & mon corps se détend doucement alors que les sanglots se taisent pour me laisser pour noyée dans le silence de cette chambre si froide & vide sans elle.
Mon monde devient froid & les couleurs s'estompent. Je ne veux plus rien... Ni rire, ni chanter. Sans elle, je ne suis plus rien. Mon amour pour elle a toujours été indéfectible. Je n'ai jamais douté de nous, de mes sentiments, de mon amour... Je n'ai jamais regardé une autre femme qu'elle, elle est ma force, mon monde, la plus belle femme. Je n'aurais jamais imaginé, un jour, la perdre parce que le monde dans lequel nous vivions allait être trop dur à supporter pour elle.
C'était la plus forte de nous deux, la plus guerrière. & aujourd'hui, elle a ployé genou devant cette entité qui lui bouffe l'âme par trouille d'imaginer que le monde n'est pas aussi malsain qu'elle le croit. Je couperai la tête à cet homme si c'était à refaire, pour avoir brisé la femme de ma vie.
Je sens la colère m'enivrer & pourtant je lutte pour qu'elle ne me consume pas... Puis-je seulement tomber dans un sommeil éternel.

Je ferme doucement les yeux & j'ai l'impression que le temps file rapidement. Je me sens si fatiguée quand j'entends la porte s'ouvrir. Faites que ce soit un voleur ou un tueur... Qu'il me dépouille & me tue. Je n'aurais pas la force de lui trancher la gorge.
Mais je sens son odeur, j'entends son souffle que je reconnaitrais entre mille. Le matelas s'enfonce sous son poids & je contracte mon corps pour ne pas rouler vers elle. Je suis encore farouchement touchée par notre dispute... Malgré son baiser sous lequel je me détends, je reste fermée à toute discussion.
J'entends ses excuses, j'entends ses craintes & sa peine. Mais je ne me résous pas à ouvrir la bouche pour la rassurer, je suis fermée. J'ai peur qu'elle s'échappe à nouveau de ma vie... Car c'était sans doute la pire chose, depuis la prise de conscience que nous ne serions pas mères, qui me soit arrivée. La voir partir m'a rappelé que sans elle, Raksha n'existe pas.
La voix de Klav est douce & c'est une mélodie à mes oreilles, je sens ses doigts sur ma peau & jouer dans mes cheveux.
Je me retourne pour lui faire face & je la regarde malgré mes yeux rougis. Je vois flou & je sens mon menton tremblé légèrement. Aucun mot ne sort, tous restent coincés au milieu de la gorge.
Alors plutôt qu'utiliser des mots pour m'excuser, je préfère déposer mes lèvres contre les siennes, d'un baiser pressé & passionné. Légèrement salé par les larmes séchées. Mes mains encadrent son visage pas & je me perds dans son âme. Je chasse Rajni pour la nuit... Ce soir, je serai Krishna, déesse de la dévotion & de l'amour passionnel.
Je t'aime, Klavdiya. Plus que jamais & plus que tout. Puissent les dieux nous bénir. Ma main glisse le long de son cou alors que mon baiser se veut plus impatient, joueuse & téméraire, ma langue passe la barrière de ses lèvres pour retrouver sa jumelle.
Ce soir, Klavdiya, tu seras aimée plus que personne en ce monde.

La réciprocité me rassure, j'ai vu juste. Ma femme est bien revenue, présente & enivrée de cet amour que je connais par cœur. Cet amour qui m'avait rendue si forte & si faible à la fois... Où le monde ne se concentrait que sur elle pour en faire le centre. Où chaque pensée, chaque action devait avoir un rapport ou une conséquence avec elle.
Je sais qu nous avons un long chemin à parcourir avant que tout rentre dans l'ordre... Ces cinq longues années ont eu vite raison d'user la corde qui nous liait. & pourtant, aussi résistant que le bambou, il n'avait pas cédé... Ni à la pression, ni à la peur, ni à la mort.
Nous avions changé, pour le meilleur & pour le pire... Surtout le pire. & là où je cherchais à renaître Raksha, j'avais oublié que ma femme avait besoin de moi pour retrouver le chemin d'une lumière aveuglante mais rassurante.
Je ne devais pas me détourner d'elle, car devant les dieux, j'avais promis qu'elle passerait avant le monde. & si parfois elle était passé au dessus des dieux, je l'avais abandonné au profit d'une nouvelle vie qui se profilait sans comprendre le temps dont elle avait besoin pour s'adapter.
Je chéris ce moment qui n'avait pas existé depuis si longtemps. Dans une chambre où nous ne risquions rien, dans un endroit où aucun homme ne pouvait entrer sans invitation... Là où le respect se mêlait à une vie communautaire.
C'était chez nous, notre nouveau chez nous.

Je sens son impatience dans son souffle qui se mêle doucement au mien, mon baiser est pressé & sa réponse savoureuse.
Elle ne tarde pas à redevenir ma Klavdiya, celle qui prend le dessus, celle qui dirige... Cette femme forte qui a toujours su où elle allait. Le chemin vers la lumière semblait se tracer doucement sur mon corps, alors j'obtempère, me laissant rouler sur le dos & la laisser conduire ses doigts sur mon ventre. La lumière des dieux nous bénit ce soir. Krishna nous a réuni.