She's a good kid - ft. Prihaya

La routine commençait à s’installer pour Prihaya. Elle s’intégrait peu à peu à Destiny, retrouvait doucement sa confiance en elle afin de rester dans une communauté, ayant de moins en moins de raison de la rejeter. Cette ville semblait aujourd’hui comme un miracle pour celle ayant perdu foi en l’humanité, alors qu’elle lui offrait un refuge pour elle, pour Luana, Luna et Alice. Mais en plus du refuge, elle lui avait rendu l’homme qu’elle aimait et avec qui elle renouait doucement. Les années les avaient séparés, affrontant chacun des épreuves dans leur coin, mais ils s’étaient désormais retrouvés et cela avait eu un effet incontestable sur la jeune femme.

Mais aujourd’hui, elle avait pris un peu de retard, s’assurant de la bonne tenue de registre. Destiny lui offrait ça aussi, renouer avec son domaine de prédilection qu’est l’administratif. Si pour beaucoup ce monde était un pur mystère pour beaucoup, la Norvégienne avait prit un certain plaisir à le dompter et en comprendre les ficelles, d’abord en tant qu’avocate puis comme diplomate. Alors si aujourd’hui elle ne pouvait plus prendre position pour sa nation, ne sachant même pas ce qu’elle était devenue, elle pouvait au moins aider dans les registres et prendre la défense de ceux ayant besoin. Une tâche lui permettant de s’apaiser. Là où sa cadette avait besoin de la solitude de la nature, l’aînée avait besoin de se triturer les méninges sur des papiers.

C’est pourquoi elle était la dernière à arriver dans le bâtiment servant d’école et de garderie afin de récupérer Luana. Si la jeune Alice savait se gérer seule, la dernière-née des Hafmeyjan n’avait pas encore l’autorisation de vivre sa vie comme elle l’entendait. Même si elle savait que trop le faire pouvait que nuire à l’évolution de sa fille, la jeune mère avait tendance à la couver un peu trop parfois. Mais alors qu’elle avait à peine dix ans, elle se refusait de la laisser seule, ou du moins sans l’assurance de quelqu’un non loin. Ainsi, après l’école, la petite y restait avec les autres enfants, Prihaya se dépêchant bien souvent pour aller la chercher.

Ce fut un homme qui l’accueillit après que sa fille se soit jetée dans ses bras. Un geste accueillit par un sourire alors que Pri’ ne pouvait s’empêcher de voir cet amour déversé par sa fille qui avait perdu tout autant qu’elle, si ce n’était plus.

« Enchantée Sebastian, je suis Prihaya, la mère de Luana. »

Ce qui semblait naturel, mais tout comme Luna pouvait venir chercher sa nièce, il pouvait être facile de ne plus savoir. Une simple formalité de présentation où, tout comme Sebastian s’était rattaché à sa femme, la Norvégienne l’avait fait avec sa fille.

« Cecilya va bien ? Vous vous relayez pour la garderie ? »

Un intérêt pour la jeune femme gardant les enfants, alors qu’elle avait pu être remplacée par son époux pour cause de maladie, ou tout autre chose. Destiny était encore petit et il était toujours des plus sympathique de s’intéresser à tout le monde, renouant peu à peu avec cette société se construisant sur ses ruines. Et puis alors qu’elle travaillait dans l’administration de cette dernière, Prihaya découvrait aussi un point d’attache à certains. Une curiosité qu’elle avait toujours eut et dont elle finissait toujours par s’en excuser. Mais c’était ainsi que certaines rencontres, précieuses, s’étaient faites dans sa vie, et elle ne comptait changer cela.  

C’était toujours une joie pour Prihaya de retrouver Luana après une journée de travail. Depuis son arrivée à Destiny, elle appréciait de nouveau cette routine s’installant et qui lui avait tant manqué ces dernières années. Et elle voyait bien que cette stabilité plaisait aussi à sa fille, qui redécouvrait la vie qu’elle devait avoir, celle d’une enfant de son âge nullement obligée de grandir trop vite. Car la jeune femme avait parfois cette pensée bête d’avoir volé des années à la plus jeune durant cette fuite qu’elles avaient eu. Cette sensation, Pri’ ne l’avait jamais partagée avec personne. Ni Luna, ni Sam, ni même Luana.

Sebastian était des plus accueillants. C’était certainement ce qu’elle aimait le plus avec Destiny, retrouver la vie d’une société où l’isolement était parfois plus qu’improbable. Il était toujours présent dans cette ville en reconstruction, mais la taille réduite des lieux permettait parfois à la Hafmeyjan de se sentir comme dans une grande ville, où il était difficile de ne croiser personne en sortant. On ne pouvait certes pas comparer Destiny à Phoenix ou Los Angeles, peut-être plus à sa ville natale Vardø, mais Pri’ avait cette possibilité de rencontrer de nouvelles personnes sans avoir à forcer le destin. Il suffisait de voir dans quelles aventures elle s’était déjà retrouvées sans vraiment quitter la ville.

« Je connais ça, la passion du travail qui a tendance à mener au surmenage. Vous faites bien de lui faire prendre des pauses. »

Autant que ce soit avant ou après sa grossesse, Prihaya était de même. Si ces collègues ne lui m’étaient pas le ola, elle avait été capable de passer la nuit à son cabinet pour terminer un dossier ou la préparation d’une rencontre. Après la naissance des jumelles, cela avait été un peu plus simple de lever le pied avec les obligations parentales, mais elle restait une acharnée du travail chez elle. Même pendant ses arrêtes pour diverses causes, elle ne s’arrêtait réellement. Alors de ce que lui disait Sébastian, Cecilya semblait elle aussi à vouloir rester travailler. En même temps, si être avec des enfants lui plaisait, comment lui en vouloir ? À Destiny, Pri’ les voyait comme leurs petits rayons de soleil, leur avenir qui, s’ils avaient survécu à ces cinq années de chaos, pouvait désormais survivre à tout. Même si, au fond, les voir, lui rappelait que tous n’avaient pas survécu…

Chassant de son esprit ce début de pensée mélancolique, la jeune femme avait retrouvé son sourire. Nul besoin de se souvenir de ce qui pouvait la rendre triste. Dans son malheur, elle s’en était sorti chanceuse et la présence de Luana à ses côtés ne pouvait que le lui rappeler. Il lui restait de la famille, là où d’autre avait tout perdu.

D’ailleurs, la question de Sebastian l’avait aidé à ne pas se morfondre. Elle avait acquiescé d’un hochement de tête.

« En effet, c’est là où je pense être le plus utile. Plutôt dans la gestion des registres de l’école afin d’assurer que tout le monde trouve sa voie et parfois dans l’aide lors d’arrivée, mais je me suis aussi proposée comme simulacre d’avocat en cas de discordance dans la ville. »

Une double casquette qui lui rappelait son passé. D’abord avocate puis diplomate, l’administration était de son monde, son ressort. On disait que seul ceux travaillant dans ce domaine pouvait comprendre les multitudes de formulaires plus complexes les uns que les autres et ce diction devait être vrai. Prihaya n’avait jamais rencontré de réel problème avec l’administratif.

« Et vous ? Vous avez décroché quel rôle ici ? Même en ayant le nez dans les registres, je n’arrive pas à me souvenir de qui fait quoi. L’organisation m’a surprise dès mon arrivée. »

Quand elle avait commencé à découvrir Destiny, avant de s’y présenter, elle n’en avait tout simplement pas cru ses yeux. Une ville se mettant sur pied, c’était de la pure illusion. Et pourtant, aujourd’hui elle y était, elle participait à son évolution et elle avait même découvert que son compagnon avait participé à la fondation de celle-ci. Si ce n’était pas de l’ironie ça.