[Speed/Flashback] Threats work better with guns | PV Anakin & Savage

Au début, l’odeur de la mort était affreuse. J’étais chimiste, moi, je m’occupais pas des corps en décomposition des gens, encore moins des zombies. Je voulais bien que l’analyse empirique ainsi que ma connaissance du fonctionnement du corps humain – pratique quand on voulait faire de la chimie dans le domaine médical – me donnait un avantage certain sur les idiots à peine capable de comprendre que non, on mettait pas la tête en arrière quand on saignait du nez, mais ça… Bref. J’avais bien dû m’habituer. Et avec un peu de débrouillardise, j’avais pu faire en sorte de donner des informations utiles à cette meuf, Alix, qui voulait toujours en savoir plus, toujours plus de miracles.

Sous la bonne garde de ma carpe de compagnie, qui était parvenu à me montrer qu’il était parfaitement capable de m’empêcher de partir si j’osais seulement mettre un pied là où il ne fallait pas.

Bref, j’étais parvenu à me montrer utile, histoire quand même d’avoir une assiette de bouffe et le droit de dormir tranquille, quitte à être là. Mais depuis un certain temps, bah… Les découvertes n’étaient pas légion. J’avais épuisé le stock de trucs à dire. Au début, ça avait été des trucs débiles, genre, les corps se décomposaient, donc au bout d’un moment, si personne se laissait mordre, bah les zombies s’éteindront.

Mais pas de traitement possible. J’avais pas de matos, rien qui ne soit ne serait-ce qu’équivalent à mon ancien labo pour la drogue. Rien que ça, ça aurait pu m’aider. Mais j’avais l’observation, et les autopsies. Super.

Maintenant, j’avais plus qu’à me tourner les pouces. Je restais assis par terre à jouer avec une balle que je laissais glisser contre le mur et revenir. C’était pas bruyant. Des fois je disais un truc à Savage, qui me répondait parfois. Puis le silence revenait.

Jusqu’à ce que l’autre serpent à sornette revienne me faire chier. Je soupirai, elle m’avait encore emmené un condamné : « Baisse d’un ton, tu vas les réveiller. » Comme si c’était mes gosses, putain. Je pris même pas la peine de la regarder, et encore moins de regarder le mort en sursis : « Et y’a rien à faire, j’te l’ai déjà dit. Donc prend tes responsabilités, et bute-le avant qu’il se mette en tête qu’on est son filet-mignon du jour. »

Un jour de plus en enfer, dans les bouches de Satan. Ici même où putréfaction règne en maitre. Tout est dégout. La vue, les odeurs et même le toucher moite de tout ce qui se trouve dans ce local miteux du sous-sol. Toi t'as pris le pli. De cette vie, de cette chienne de destinée. Au moins, ici, si tu veux sortir : tu peux. Et puis surtout, y'a le silence ! Enfin ... Apres ces années de vacarme incessant, tu arrives enfin à te délecter de ce désert sonore t'ayant tant manqué. T'es un mec simple. Et t'accrocher à si peu te permet de tenir sans trop de difficulté. Des fois, tu te penses comme un cafard : à la carapace increvable. T'es dans ton coin, simplement, l'air calme et assis sur une chaise branlante. Tu tournes les pages d'un vieux bouquin récupéré sur la route. Tu le connais presque par coeur. Toi qui n'a jamais été un féru de littérature, tu t'accroches pourtant à ces lignes comme à une bouée. "On the Road" de Kerouac. Un classique il parait. Le seul que tu connaisses désormais. T'aimes bien. Ça aussi ça t'aide à passer le temps. Surtout que depuis qu'Anakin (ton petit fuyard) se tient à carreaux, t'as plus autant besoin de lui courir aux trousses. Le gamin a compris. Compris qu'il n'avait nul part où aller. Nul part où tu ne serais pas pour le ramener. C'était l'une des tes missions. Et lorsque tu étais en mission, le pouvait bien s'écrouler que tu n'y dérogerais pas. Alors depuis, vous passiez la plupart de votre temps ensemble. Côte à côte. Sans grand discours mais dans une étrange confiance se construisant fébrilement. T'étais pas là pour juger son boulot. Ça, c'était pas ton affaire, pas ton domaine. Si tu pouvais aider, t'étais là. Mais des résultats, c'était pas toi qui les demandais. D'ailleurs, si on te posait encore la question, t'étais persuadé qu'aucune solution n'existait. T'envisageais pas trop la fin de l'humanité mais plutôt celle d'une civilisation faisant place à une autre. Violente table rase. Reprise à zéro.

Lorsque la lourde porte métallique de votre "cage" s'ouvre et se referme en un grincement caractéristique, tu redresses la mine, en alerte. Anakin sursaute puis souffle d'agacement lorsque Alix fait son entrée. « Allez, Miro, tu vas enfin te décider à le vérifier, ce corps-là? Ou tu vas encore le laisser crever comme tout les autres? » Tu inspires profondément. Entre ces deux là, c'est toujours du genre électrique et tu sais devoir garder un oeil sur la situation. « Baisse d’un ton, [...] Et y’a rien à faire, j’te l’ai déjà dit. Donc prend tes responsabilités, et bute-le avant qu’il se mette en tête qu’on est son filet-mignon du jour. » Ca y est, les gosses se chamaillent. Pour l'instant, tu ne bouges pas trop. Tu as juste lâché ton bouquin et tu as cessé de faire balancer ta chaise. Ton regard reste fixe, passant d'une silhouette à l'autre.

Spoiler:

Je fixai d'un coup Alix d'un regard torve tandis qu'elle insista encore pour que je regarde cette personne qui, de toute façon, était sur le point de mourir. Elle ne savait pas abandonner, et c'était sûrement parce qu'elle avait eu une belle vie, avant. Avant tout ça. Ce n'était pas quelqu'un qui était la gueule dans la merde depuis sa naissance, non, c'était une personne qui voulait exactement tout ce qu'elle désirait. Capricieuse. "Non. Lâche-moi." Et d'un regard, je vis bien que Savage comptait pas agir pour l'instant. Forcément, ce n'était pas mon garde du corps, c'était ma nounou. Mais j'aurais parfois bien aimé, peut-être au nom de notre amitié bancale, louche, et finalement pas si amicale que ça, qu'il fasse barrière. Surtout avec Snake qui se montrait particulièrement lourde. Bon, je devais sûrement au moins apprécier qu'il lâche son livre pour moi. Merci, dude, t'es un pote.

Pour autant, mon non ne semblait pas trouver écho en cette hystérique. Non, pire que ça, elle en rajoutait, comme si ça n'allait prendre que deux minutes. Qu'est-ce que ça allait me coûter ? Hé bien, en soi, pas grand chose. Mais j'en avais plus qu'assez. Marre qu'on me demande des choses que je ne pouvais pas faire, me rappelant à quel point j'étais inutile. "Moi ça me coûtera rien. Mais ça lui coûtera par contre des adieux à des personnes qui l'aimaient, probablement, plutôt qu'être ici à perdre son temps. T'as un sens des priorités qui fait peur, Snake. Aie un peu de jugeote, je te l'ai dit, y'a rien à faire." Sans compter que ce qui ne prendrait que quelques minutes sur le papier - même, quelques secondes - allait me prendre la tête pendant bien plus longtemps que ça.

Je n'ai jamais été vraiment un connard. Sous ma gueule de je ne sais quoi, y'avait malgré tout un cœur, et un cerveau qui se martelait de ne pouvoir rien faire. J'aurais aimé avoir la possibilité de trouver un remède miracle, et j'avais vraiment essayé, avec les moyens que j'avais. Sincèrement. J'y avais cru, un peu, surtout dans l'espoir qu'un jour, moi ou une autre personne, arrive à éradiquer l'existence de ces zombies. J'aurais probablement ressorti un peu de gloire de tout ça.

Mais mon échec, c'était synonyme aussi d'autant de vies qui allaient être fauchées alors qu'on aurait dû, tous, continuer à aller en cours, au travail, dans des parcs, au restaurant, s'inquiétant plutôt du trou dans le compte en banque que de celui qu'une mâchoire humanoïde nous ferait. Mais enfin, je devais certainement assumer mon manque de résultat. Alors je me levai, attrapant un couteau qui traînait là, et je le tendis à Alix : "Vas-y. Et ne les réveille pas."